Vers le milieu du VIIe siècle, si on en croit la tradition, Nivard, évêque de Reims, et son filleul Berchaire conçoivent le projet d’ériger un monastère sur les rives de la Marne, non loin de la cité d’Épernay.
Un jour que l’évêque de Reims Nivard revenait d’Épemay, accompagné de son cher Berchaire, il se prit d’envie de se reposer un instant sur le versant du coteau qu’il gravissait ; de ce lieu enchanteur, la vue est immense et des plus magnifiques. Lors, tous deux s’étant assis sur l’herbe souple du gazon, le bienheureux Nivard posa sa tête sur les genoux de Berchaire et fut pris d’un mystérieux sommeil.
Aussitôt lui vint une vision : il lui sembla qu’une colombe faisait, en volant, le tour de la forêt, et qu’ayant fait son tour, elle était allée se reposer sur un hêtre ; que dans sa course, cette colombe laissait les éclairs d’une lumière si pure et si vive, que la forêt tout entière en était resplendissante ; puis, d’un vol gracieux et léger, trois fois elle renouvela son vol mystérieux, trois fois elle se reposa sur le hêtre, et enfin, d’un vol rapide, elle s’élança dans les cieux.
Or, la même vision qu’avait eue en songe le bienheureux Nivard, Berchaire éveillé l’apercevait aussi. S’étant tous deux raconté leur vision avec les réflexions qu’elle avait secrètement éveillées en chacun d’eux, ils crurent que Dieu manifestait alors sa volonté par le vol mystérieux de l’oiseau et que c’était là où devait s’élever un monastère qui ne fut autre que l’abbaye d’Hautvillers.
[Adapté du récit qu’en a fait le chroniqueur Flodoard, dans son Histoire de l’Église de Reims]
L’histoire religieuse de l’abbaye se terminera à la Révolution française, en novembre 1789. Les moines expulsés, les biens monastiques seront vendus à partir de mars 1791.
1.
Aveugle, Dom Pierre Pérignon avait développé un sens exceptionnel de la dégustation. Dom Jean François évoque ce talent hors du commun en écrivant ces quelques lignes :
« Cet homme unique a conservé jusque dans une vieillesse décrépite une délicatesse de goût si singulière qu’il discernait sans s’y méprendre, en goûtant un raisin, le canton qui l’avait produit. On lui présentait un panier recueilli dans toutes les vignes du territoire et celui de Cumières ; il les goûtait, les rangeait selon le sol d’où ils venaient, et marquait avec assurance les espèces qu’il convenait d’allier pour avoir la meilleure qualité de vin, et cela relativement à la chaleur ou à l’humidité de l’été et de l’automne. »
2.
Dom Pierre Pérignon n’a malheureusement rien écrit de ses travaux. C’est à son élève et à son successeur, Frère Pierre, que nous devons d’en connaître davantage. Lisez plutôt !
« Le père Pérignon ne goûtait pas les raisins aux vignes quoiqu’il y allât tous les jours à l’approche de leur maturité, mais il se faisait apporter des raisins des vignes qu’il destinait à composer la première cuvée, il n’en faisait la dégustation que le lendemain matin, après les avoir fait passer la nuit à l’air sur sa fenêtre, jugeant du goût.
Selon les années, non seulement il composait ses cuvées selon ce goût, mais encore selon la disposition du temps, des années précoces, tardives, froides, pluvieuses et selon les vignes bien ou médiocrement fournies de feuilles ; tous ces événements lui servaient de règles pour la composition de ses cuvées si distinguées. »
[Extraits de https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/personnalites-du- champagne/hommes-de-dieu/article/dom-perignon-moine-benedictin-de-l-abbaye-d]
Au XVIIe siècle, ils étaient des vins tranquilles, les rouges de la Montagne (cépage gouais) et les blancs de la Rivière (cépage fromenteau). Mais probablement point de vins « saute-bouchon ». Comprenez que, contrairement à la légende, Dom Pierre Pérignon n’est sans doute pas l’inventeur de la « prise de mousse ». Du champagne, quoi !
Au Moyen Âge, les vins de Champagne présentent naturellement une effervescence légère et éphémère, du fait de la fermentation incomplète du moût. On commence à de mieux en mieux à maîtriser la prise de mousse à partir de 1730.
Ainsi, si les Champenois maitrisent la prise de mousse des vins blancs, issus de cépages blancs, ils réalisent la même prouesse avec les vins gris, qu’ils sont les premiers à créer : des vins blancs à partir de cépages noirs ! Pour y arriver, ils mettent au point des pressoirs et des techniques de pressurage uniques !
Il fallait enfin des bouteilles en verre plus épais, capables de résister à de fortes pressions. Mais aussi remplacer les broquelets de bois par des bouchons de Liège pour éviter les pertes de pression. Et enfin, inventer le muselet pour empêcher le bouchon de liège de sauter.
[Source : CIVC]